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Dents de scie entre la République Dominicaine et les Iles Vierges Britanniques


Certes nous ne regrettons pas notre virée en République Dominicaine. Et pourtant…on a le sentiment d’en payer le prix fort…

Voilà 4 jours et 3 nuits que nous nous épuisons (et le mot n’est pas trop fort !) à lutter contre la mer et le vent. L’équation résiste à l’épreuve du temps, au sens propre comme au sens figuré : tous les navigateurs au long court l’ont dit et même écrit : pour un voilier, la distance et le temps de parcours face au vent sont généralement multipliés par deux, et la peine par trois !!!

Les 250 milles qui séparent la pointe sud est de la République Dominicaine et l’île de Tortola aux BVI nous ont largement permis de vérifier cette affirmation.

Le vent réel a oscillé entre 15 et 20 nœuds, la mer était courte mais un peu hachée ; en soit, rien de catastrophique dans cette météo plutôt stable. Et pourtant, une fois dépassé l’île de Saona, il faut nous rendre à l’évidence : cette navigation ne sera pas une partie de plaisir.

Angélus a du mal à passer les vagues, et il retombe lourdement, de tout son poids (8 tonnes tout de même !) à chacune d’elle, faisant vibrer le gréement et trembler les aménagements intérieurs.

Le moindre déplacement demande un effort considérable, et on a du mal à assurer les tâches quotidiennes (cuisine, vaisselle, rangement etc.) L’école ne peut se faire qu’à l’oral : impossible pour les garçons de tenir un crayon dans ces conditions.

Le plus déprimant, c’est notre vitesse réelle : 70 MN en 24h, soit moins de 3 nœuds de moyenne…du jamais vu sur Angélus !

En regardant notre trace sur MaxSea, on observe une route en dents de scie, d’une régularité impressionnante…on est loin des bords parfaits à 90° !

Alors on se prend à rêver de faire cette même nav’ sur un long monocoque racé de 60 pieds, avec une quille de 2,50m, traçant sa route sans se soucier de l’état de la mer, fendant les flots sur fond de musique classique…

Mais les enfants qui tournent en rond à coup d’IPad et de DVD (à l’encontre même de tous nos principes éducatifs !!) et les vagues qui tapent nous ramènent à la dure réalité du moment : notre fidèle Angélus, qui nous porte vaillamment depuis le mois d’août et nous a déjà fait parcourir plus de 7000 milles autour de l’Atlantique, reste un voilier de moins de 12m, vite arrêté par une mer hachée.

Nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-mêmes s’il ne maintient pas sa vitesse moyenne habituelle de 6 nœuds alors qu’on lui demande de faire cap à l’est avec un alizé d’est établi autour de 15 nœuds !

Pour amélirer nos performances et augmenter le confort à bord, on essaye toutes les configurations d’allure :

GV et génois plus ou moins déroulé, avec ou sans moteur, pour diminuer notre dérive et remonter un peu plus au vent. Mais le cap n’est vraiment pas satisfaisant, on a le sentiment de reculer sur le 2è bord…

GV seule avec moteur : le cap est meilleur, mais la vitesse diminue, à cause des vagues que nous abordons presque de face et qui arrêtent le bateau...On passe à moins de 2 nœuds sur le fond…usant pour les nerfs !

Finalement, on alterne entre les deux, suivant l’humeur et l’état de fatigue, et on se rend compte que les deux solutions reviennent au même : notre vitesse quotidienne se maintient à 70 milles en 24h…

Dur dur de garder le moral, surtout avec la fatigue qui s’installe (inutile de préciser qu’on ne dort pas beaucoup entre deux quarts, avec de tels soubresauts !).

Par soucis de discrétion pur l’équipage, on passera sous silence les tensions, les disputes et les sautes d’humeur de la traversée…mais sachez qu’il y en eu, et de la part de tous !!!

Notre réconfort pendant ces 4 jours éprouvants a été de communiquer régulièrement avec Arnaud, de Roi Baco, qui parti 24h après nous, a fait la même route qu’Angélus jusqu’à Puerto Rico, seul à bord de son First 31.7. (Au passage on lui dit "chapeau" !)

On partage nos impressions et frustrations, son combat est le même que le nôtre, avec la gîte en plus…tout compte fait, cata ou monocoque, le louvoyage au près reste une épreuve de force !

Mille après mille, on gagne du terrain. Les îles défilent lentement mais sûrement à l’horizon. Après Mona, l’interminable Puerto Rico, puis Vieques et les Iles Vierges Américaines. Enfin jeudi dans l’après-midi, nous finissons par apercevoir au loin Norman Island, porte d’entrée des BVI…

Mais le réservoir de fuel est presque vide, aussi avons-nous coupé les moteurs depuis le matin afin de conserver quelques litres pour les manoeuvres d'arrivée; et là, mauvaise surprise: l'enrouloir de génois coince...Antoine s'arc-boute pour rouler une partie de la voile lorsque le vent monte...on décide donc de le rouler complètement afin d'éviter toute casse, et on finit la nav' sous GV seule, toujours au près serré mais sans l'aide des moteurs.

Décidément, il était écrit qu'on lutterait jusqu'au bout!

L'arrivée se fait de nuit, une fois de plus, ce que bien sur nous pensions éviter au départ.

Vers 23h enfin, dans une nuit noire, nous prenons un coffre à l'entrée de Road Harbour, et nous retrouvons notre beau-frère Rémy, arrivé quelques heures plut tôt d'Annecy et qui nous guette sagement depuis le bout de la jetée de la marina avec sa frontale clignotante !

Une fois amarrés et Rémy monté à bord, nous poussons un grand OUF de soulagement: nous sommes vidés mais nous sommes arrivés sains et saufs sans avoir rien cassé, sans être tombé en rade de carburant, et nous avons même respecté le timing fixé avec Rémy, à 1h30 près !!!


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