La transat d'Angélus, 9-24 décembre 2014

Pas facile de résumer une transat en une page de blog…Et si on essayait de décrire une journée-type ? La vie en mer étant assez répétitive, il n’y aura qu’à multiplier par 15 pour se donner une idée de ce qu’on a vécu !

01h-04h : premier quart de la journée, assuré par Géraldine

« La nuit est noire, le ciel est magnifique, les étoiles brillent avec beaucoup d’énergie. C’est beau, c’est très beau, mais on s’ennuie un peu : pas de cargos, pas de route de collision, pas de barques de pêche surgies de nulle part…en plus je m’endors…

C’est quoi cet énorme flash vert là-bas ? TONIO REVEILLE-TOI, il y a un bateau qui nous fonce dessus !

Bon, on se calme. D’après Antoine, c’était soit un ovni, soit un phénomène astronomique, soit le fruit de mon imagination….N’empêche, je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie !

04h-07h : deuxième quart, assuré par Antoine

« Allez hop, je dors 10mn et je fais un petit contrôle…personne n’y verra rien, après tout c’est moi le capitaine ! Un p’tit empannage…..je roule le gennaker et je déroule le génois…..J’adore manœuvrer tout seul, finalement j’aurai peut-être dû faire la transat en solitaire….bon c’est décidé, en rentrant je m’inscris pour la « Transquadra » (course transatlantique réservée aux quadragénaires), après tout j’aurai (enfin !) l’âge !

Je ne comprends vraiment pas pourquoi les batteries se déchargent si vite…allez je fais un test : je coupe le frigo, le PC avec MaxSea, l’alimentation 12V….je laisse quand même le feu de tête de mat, on ne sait jamais si on croisait un bateau, et puis maintenant qu’il est en LED il ne consomme presque plus….

07-08h30 : semi-quart du matin, assuré par Cyrille

« Wouahou ce lever de soleil ! Vite ma caméra, il y a un « fat »plan à prendre là ! C’est complètement ouf ce matin, et tellement différent d’hier, avec ce petit nuage à l’horizon…Oui mais quelle caméra je prends ? La GoPro, la veille Kodak Bustle ou l’ultra-compact-hyper-design dernier cri achetée juste avant de partir ?

Allongé sur la casquette, j’suis trop bien pour méditer….Tiens, salut la Stoche (traduisez Félicie), tu viens faire le quart avec moi ? Alors prends ton gilet, je vais t’aider à l’accrocher pendant que ta maman prépare le petit déj ! »

08h30-09h30 : Petit déjeuner

Souvent sans Antoine qui récupère des nombreux réveils intempestifs de la nuit ! Au menu « pain-bateau » avec confiture ou nutella, on économise le beurre.

Angélus quitte peu à peu ses allures de dortoir pour se transformer en salle de classe. Jacques et Félicie jouent à « Poly », galopant à 4 pattes dans tout le bateau.

09h30-12h : La cloche a sonné, c’est l’école qui commence !

On s’y met souvent tous ensemble, chacun de nous trois s’occupant d’un garçon, Félicie errant d’un groupe à l’autre, jouant aux gros légos, faisant des coloriages ou dérangeant tous les jeux de carte….

Jacques manipule les boules et les perles pour apprendre à compter, pendant que Basile s’emmêle dans les fractions et que Théophile s’énerve sur ses tables de multiplication. Puis on passe à la conjugaison…Les quelques baleines qui passaient par là on dû être surprises par le niveau sonore qui se dégageait de notre embarcation !

12h-13h : A table !

Chic, une salade de semoule-pois chiches-tomates en boîte-maïs ! Ca fait au moins 24h qu’on n’en a pas mangé ! Avec ça, un peu de fromage ? Y en a plus… Alors un fruit ? Y en a plus…..Au moins un carré de chocolat ? On le garde pour Noël, après tout on n’est pas sûr d’être arrivé pour le 24…

« Cliclicliclicliclic…. » : On a une touche, une ENORME touche ! La canne ploie, le moulinet se dévide, Antoine n’a pas le temps de commencer à remonter la ligne que ça casse net : fil, poulpe, hameçons, tout est passé l’eau, heureusement la canne n’est pas cassée….dommage, c’était surement le thon d’1,5m qu’on attend depuis le début de la Transat !

13h-15h : Vaisselle par Basile, Théophile et Jacques, avec pour mission de ne pas transformer le carré en piscine. Ils s’améliorent de jour en jour. Puis sieste pour tout le monde sauf un qui reste à surveiller l’horizon. On alterne tous les jours.

Aujourd’hui il y a des algues tout autour du bateau. Des bancs d’algues que nous n’arrivons pas toujours à éviter…Une fois de plus, le bateau ralentit et change de direction, il n’est plus manœuvrable…Un paquet d’algues a du se coincer dans les safrans ou les hélices. Comment s’en dépêtrer ?

Idée lumineuse de Cyrille : il fixe sa GoPro sur la gaffe et envoie tout ça sous les jupes d’Angélus. Quelques instants plus tard, on visionne les images prises sous l’eau. En dehors du fait que c’est très rassurant de voir « nos dessous », cela nous permet de confirmer l’hypothèse des algues prises dans l’un des safrans.

Idée lumineuse d’Antoine : il allume les moteurs et fait « marche arrière-toute » ; ce mouvement contraire à la marche du bateau permet aux algues de se dégager.

Analyse prosaïque de Géraldine : « on fait marche arrière sur l’autoroute, frustrant non ? »

15h-16h : le FIKA !!!

Le meilleur moment de la journée…Puisqu’on ne prend pas de dessert, on a décidé de confectionner tous les jours (ou presque) un goûter-maison, accompagné d’un café, d’une tisane ou d’un jus suivant les goûts. On a baptisé ce moment très convivial FIKA, du nom suédois donné par les équipes Volvo à leur pause gourmande du vendredi.

On a varié les plaisirs et les cuisiniers. Beaucoup de crêpes, de gâteau-yaourts et de riz au lait. Bref nous nous sommes régalés.

16h-18h : dernières heures de jour avant la nuit

Fait marquant de cette transat, pour la seule fois de notre vie, on a vécu à notre propre rythme, avançant nos montres d’une demi-heure en fonction du soleil. On était à l’heure Angélus !

En attendant, des algues (encore elles !) ont du se prendre dans le speedo….plus d’indication de vitesse ni de vent réel. Il fait beau, il fait chaud.....Cyrille l’homme à tout faire du bord, se dévoue pour un petit plongeon en plein Atlantique, au-dessus de la dorsale…un mythe pour lui ! Une fois le bateau arrêté, on l’accroche solidement au bateau car le courant est fort, et le voilà barbotant au milieu de la houle et gratouillant les dessous d’Angélus…. Opération réussie, Cyrille remonte à bord un peu épuisé tout de même, et attaque sur le champ le montage du projet MAWIP avec ses neveux. (Mid Atlantic Wifi Internet Plateform).

Quelques jours après notre départ, les petites privations alimentaires se faisant déjà sentir, on s’est mis à imaginer une plateforme implantée au milieu de l’Atlantique, sur la route des voiliers qui traversent. Cette plateforme proposerait une connexion WIFI à longue portée, le ravitaillement en eau, fuel, denrées alimentaires en tout genre… Le studio Bustle (Cyrille et les garçons) s’est lancé avec beaucoup d’enthousiasme dans la conception de ce projet à grande échelle, avec plans à l’appui, maquettes en légos et réflexions de haut niveau…Et bien sûr, la réalisation d’une petite vidéo sur le projet afin de pouvoir le présenter aux bateaux que nous rencontrerons aux Antilles !Un beau projet, qui a occupé et motivé la quasi-totalité de l’équipage pendant toute la transat…

18h-20h30 : La nuit tombe, déjà.

Pendant que certains regardent quelques épisodes de Poly ou Belle et Sébastien, les autres préparent le dîner. Vers 19h, on dîne et à 20h30, tout le monde est au lit.

20h30-22h : Semi-quart du soir, assuré par Antoine.

« Je m’endors. La lune n’est pas encore levée, on n’y voit rien. Tiens, cette étoile très basse à l‘horizon, on dirait qu’elle bouge…Petite vérification sur MaxSea : c’est bien un cargo, qui vient droit sur nous à la vitesse de 17 nœuds. Sous spi, ce n’est pas évident de changer notre route…bon j’attends qu’il soit à portée VHF et je l’appelle.

Sympa quand même ce cargo : il n’a pas hésité à dévier franchement sa route pour nous laisser passer après nos échanges VHF ! »

22h-01h : Dernier quart de la journée, assuré par Cyrille

« Quand je pense qu’on est en train de passer au-dessus de la dorsale, là où se forme le plancher océanique…..c’est une expérience de ouf….le plus incroyable, c’est que tout le monde s’en fiche à bord….pourtant j’ai fait un cours de 3h aux garçons pour leur expliquer, ça leur a fait ni chaud, ni froid… et je ne parle même pas de l’indifférence notoire d’Antoine et Géraldine pour ce phénomène géologique pourtant colossal….Dur dur d’être incompris !

Bon allez, je continue mes méditations transocéaniques ! »

En résumé, une belle transat, avec une météo clémente, sans pépin technique ni médical, en dehors de la main de Cyrille qui a failli passer dans un taquet

Merci Angélus de nous avoir transportés sans encombres de l’autre côté !